A propos de son art

Les artistes contemporains semblent tous savoir, oser et pouvoir. Pourtant, ils reculent toujours devant les qualités qui furent pendant des milliers d’années le signe de l’art par excellence : le savoir-faire et la beauté.

Le savoir-faire et la beauté ne sont pas des qualités que l’on acquiert en deux temps trois mouvements. Ils sont le fruit d’une longue quête, une voie que l’on ne peut découvrir qu’à force d’essais et d’erreurs. Personne n’est plus critique que Staaf Colruyt vis-à-vis de son œuvre. Mais dans sa meilleure œuvre, il sait, fort de ses cinquante ans de métier, créer une universalité qui dépasse les modes, les tendances et les courants. Il pratique un langage qui rappelle tantôt les statues africaines et asiatiques, tantôt les sculptures expressionnistes. Un langage sur lequel il est difficile de coller une étiquette et qui ne se classe pas facilement sous un certain style. Parce qu’il s’agit du langage visuel, durement acquis, propre à Staaf Colruyt, né de la confrontation avec la matière. Qu’il crée de petites sculptures, des portraits ou des statues monumentales, les œuvres de Staaf Colruyt se remarquent toujours, pas par leur extravagance ou leur recherche, mais par l’ambiance classique et intemporelle qui s’en dégage.

Dans ses sculptures, Staaf Colruyt cherche le juste « ton ». Et pour lui, « ton », ne veut pas dire « forme » ou « style ». On retrouve un « ton » dans les styles et cultures les plus divers. Cela n’a même rien à voir avec le côté matériel d’une sculpture. Le « ton » apparaît quand une alchimie s’opère entre la matière d’une sculpture et l’universel, quand la matière d’une sculpture se dote d’un caractère universel. On pourrait qualifier de ferveur ce que cherche Staaf Colruyt : donner vie à la matière, lui conférer une dimension spirituelle, la laisser résonner avec les dimensions spirituelles de la création.

Staaf Colruyt n’est toutefois pas un « artiste religieux » au sens littéral du terme, comme l’étaient son père et son oncle. Il n’est pas lié à une religion particulière, il a une prédilection pour les religions asiatiques, qu’il connaît bien. Comme le Taoïsme, dans lequel le chemin que l’on parcourt dans la vie est le but spirituel ultime. On peut prétendre quelque chose de similaire à propos de Staaf Colruyt : ses sculptures sont des petites étapes dans la quête infinie du juste « ton », de la juste ferveur. Autant d’étapes sur le grand chemin de l’existence. C’est précisément cette incessante quête existentielle qui rend l’œuvre visuelle de Staaf Colruyt si fascinante.

 

Marc HOLTHOF